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Plateformes/VTC : vers le droit chemin ?

Transport - Route
15/02/2019
Un rapport commun à l’Inspection générale des affaires sociales (Igass) et au Conseil général de l’Environnement et du développement durable (CGEDD) préconise d’encadrer le temps de conduite des chauffeurs de VTC et de structurer cette profession pour améliorer son modèle économique. Il propose aussi d’imposer des autorisations aux plateformes pour pouvoir exercer et de sanctionner plus fortement le non-respect de leurs obligations.   
De mai à novembre 2018, les hauts fonctionnaires de l’Igass et du CGEDD – qui venaient de terminer une mission sur les examens des chauffeurs VTC – ont repris du service pour répondre à une nouvelle lettre de mission, portant cette fois-ci sur la régulation du secteur des VTC. Rendu aux ministres du travail et des transports début 2019, ce document de travail préconise un certain nombre de mesures à prendre pour « faire évoluer la réglementation en vigueur et en améliorer la qualité » sur certains points. En ligne de mire, la limitation du temps de conduite des chauffeurs VTC, l’alignement des normes techniques minimales des véhicules sur celles des taxis parisiens, la mise en place d’un fonds d’amorçage et d’un fonds de soutien aux chauffeurs en difficulté, financés par les centrales de réservation.
Et les prix des courses ? Impossible de fixer un tarif minimum qui s’imposerait aux clients. Toutefois, une concertation, menée sous l’égide de l’État, pourrait permettre de fixer un prix « décent » ; si le procédé échoue, l’État pourrait imposer par la loi « un tarif kilométrique minimum chauffeur », comme l’a fait la ville de New York.  
Vers un chrono dans les VTC   

Incontournable, la question du temps de conduite des chauffeurs VTC. D’autant que la sinistralité de leurs véhicules est difficile à documenter, sauf par les sociétés d’assurance qui semblent avoir des données sur la question mais qui ne sont pas désireuses de les transmettre. « Ces éléments sembleraient confirmer l’existence d’une sur-sinistralité des VTC par rapport aux taxis, qui pourrait être forte », note cependant le rapport.   

Ce constat, même s’il n’est pas étayé par des chiffres, pousse – comme pour toutes les autres professions ayant trait au transport – à mettre en relation le nombre d’heures passées au volant et l’accidentologie constatée. Uber a de son côté corrélé le nombre  d’accidents avec le nombre de courses par tranche horaire : le taux d’accidents apparaît comme multiplié par 3,5 entre la 1re et la 9e heure.  

C’est dire l’importance du temps de conduite, et plus globalement celle du temps de travail, dans la prévention des accidents et dans la qualité de vie au travail des conducteurs de VTC. Ces derniers ne sont cependant pas hors-sol au plan de la réglementation sociale puisqu’ils dépendent à la fois du code du travail et de celui des transports : 10 h par jour de travail maximum (48 h hebdos), une durée maximale d’amplitude, du repos (10 h par 24 h) et des pauses de 30, puis 45 mn. Pour autant, le temps de conduite, en tant que tel, n’est pas encadré. Il est, de plus, relativement peu contrôlé. Le Livret individuel du chauffeur (LIC) est « aisément falsifiable » reconnaît l’administration, l’inspection du travail n’est pas compétente pour intervenir et sanctionner en matière de durée du travail ; tout au plus peut-elle intervenir sur le thème du travail dissimulé.  

Un nouveau dossier pour l’Arafer ?  
De leur côté, les plateformes ne sont pas restées les bras croisés devant cette problématique. Elles mettent en avant certaines de leurs initiatives, qui vont de la déconnexion automatique du chauffeur de l’application après 10 h ou 12 h de temps de conduite à un dispositif d’alerte. Que faire? Pour unifier les pratiques et rationnaliser les comportements, la mission préconise de définir les normes, puis d’obliger les centrales de réservation à suivre le temps de conduite de chaque chauffeur et de transférer ces données à un « organisme totalisateur » qui pourrait être l’Arafer. Autre solution, installer dans chaque véhicule – taxis et VTC confondus – une sorte de chrono numérique. Ce serait le meilleur moyen d’améliorer la sécurité routière du secteur, pour les rédacteurs du rapport qui estiment toutefois que « la solution de type OBU (…) n’est pas suffisamment mûre pour être retenue en France ».  

Autorisations pour les plateformes  
Le rapport enfonce le clou sur le thème de la régulation des centrales de réservation. Il pousse l’idée de la création d’un registre officiel et d’un relèvement des sanctions, existant déjà, du non-respect de leurs obligations (déclaration d’existence, contrôle de la situation des chauffeurs, transmission des données aux pouvoirs publics). Il préconise surtout la mise en place d’un régime d’autorisation préalable applicable aux centrales de réservation : renouvelable tous les 3 ou 5 ans, il permettrait d’encadrer leur activité de régulation et de s’assurer qu’elles référencent correctement les chauffeurs et qu’elles transmettent aux autorités les données nécessaires. Ces autorisations pourraient être délivrées à un niveau national mais aussi à un niveau local, les autorités organisatrices de mobilité (AOM) pouvant ajouter des critères locaux. 
 
Un encadrement qui vient de loin

– 1937 : la loi du 13 mars relative à l’organisation de l’industrie du taxi encadre ladite profession. Limitation du temps d’utilisation du véhicule dans Paris à 11 h. Modernisée en 1995 par une loi qui instaure un certificat professionnel de capacité.  
– 2009 : la loi Novelli crée les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). Besoin d’un simple permis B, d’une condition d’aptitude professionnelle. Prix libres. Fin de l’autorisation préfectorale, remplacée par un régime déclaratif. Fin du plafonnement du nombre de véhicules par entrepreneur.  

– 2014 : la loi Thévenoud recadre le transport public particulier de personnes autour de l’entreprise. Obligation d’assurance de responsabilité professionnelle pour les exploitants de VTC, mise en place d’un registre, impossibilité de stationner sur la chaussée en l’absence de réservation préalable. Impossibilité pour une personne qui n’est ni entreprise de transport routier, ni taxi, ni VTC, de pratiquer du transport à titre onéreux. 
 
– 2015 : le conseil constitutionnel valide cette disposition. Fin du service UberPop.  

– 2016 : la loi Grandguillaume poursuit le  mouvement. Création d’un examen commun aux taxis et aux VTC, création d’un comité national du T3P (ainsi que des comités locaux). Obligation pour les centrales de réservation de fournir des données à l’administration, y compris pour vérifier le respect des lois et règlements.   
 
 
Source : Actualités du droit